Danse contemporaine au Maroc : lettre ouverte au ministre de la culture

Marrakech, le 19/06/2015 Lettre à Monsieur le Ministre de la Culture, Mohamed Amine Sbihi Monsieur le Ministre, Dans un pays aspirant à la modernité et au développement par la culture, permettez-moi de vous dire qu’il n’est plus possible que votre ministère continue à considérer la danse contemporaine comme un art mineur. Dernièrement, nous avons pu constater, au vu des résultats de l’appel à projet concernant l’art chorégraphique (publiés sur le site du ministère), à quel point la question de la danse en tant qu’art à part entière n’est pas encore réellement cernée et que les acteurs fondateurs et les expériences essentielles restent malheureusement soit incompris soit dangereusement ignorés. Les initiatives locales de création, de formation, de production et de diffusion, fondées et développées par des chorégraphes marocains sont certes très peu nombreuses mais sont connues de tous ceux qui s’intéressent un tant soit peu à la danse. Il est aisé aujourd’hui de donner les noms de ceux qui contribuent au rayonnement de cette pratique artistique à l’international et ont construit depuis plus de 10 ans des collaborations qui comptent, dont certaines avec les plus grands artistes et institutions du monde entier. Il s’agit de Bouchra Ouizguen, Meryem Jazouli, Said Aït El Moumen, Khalid Benghrib, moi-même et d’autres… Permettez-moi, Monsieur le ministre, d’affirmer que la délégation de soutien, aussi honorable soit-elle – on n’en connaît d’ailleurs aucun membre – ne participe aucunement au développement constructif et dynamique de ce secteur artistique. Est-ce par ignorance de ce même secteur ? Ou à cause de perceptions biaisées ? Nous ne le savons pas. Nous pensons en revanche, nous, danseurs et chorégraphes, qu’une commission se doit d’avoir une philosophie basée sur un principe de diversité aussi bien au niveau artistique qu’esthétique. Nous demandons avec beaucoup d’humilité, le droit d’informer et de renseigner cette commission car pour accompagner et construire un environnement propice au développement de cet art, il faut être conscient de ce qu’il représente. Il nous est difficile aujourd’hui de comprendre les écarts de considération et de traitement que laissent supposer ces derniers résultats. Un grand nombre d’espaces étrangers nous accueillent et nos propres institutions, dans notre propre pays, écrasent et ignorent nos efforts et nos réalisations. Les délégations doivent donc prendre conscience qu’elles n’agissent pas pour une représentation de leurs orientations personnelles et subjectives mais qu’elles se doivent de représenter et faire écho à des courants différents. Il est donc de leur devoir de travailler selon une approche holistique qui pousse à considérer la différence et la diversité comme un atout et une force qui participent à une politique de capitalisation, sans pour autant discriminer les expériences montantes. Les résultats annoncés sur le site du Ministère de la Culture nous portent à questionner les critères et paramètres de sélection et nous font même penser à une exclusion systématique de quelques expériences phares. Fort heureusement, la danse en général et la danse contemporaine en particulier existent et continueront d’exister grâce aux artistes et créateurs passionnés. Ce sont eux qui défendent avec vigueur, exigence et professionnalisme cet art singulier. Aujourd’hui on danse et demain on dansera aussi. Dans l’attente de votre réponse Monsieur le Ministre, veuillez agréer mes salutations sincères. Taoufiq Izeddiou Danseur et chorégraphe Marrakech, le 19/06/2015

Actus d'ailleurs 2015/06/19

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